FUSION : LE ROTARY RENCONTRE LA SOCIÉTÉ CIVILE POUR AMPLIFIER SON ACTION
La capitale belge a été fin septembre le théâtre d’une rencontre rotarienne d’une ampleur rare : plus de 1500 participants ont représenté les clubs d’Europe, d’Afrique et du Moyen Orient afin de renforcer une synergie pour rendre le monde meilleur. L’originalité de ce sommet proposé par Alain Van de Poel, vice-président du RI, a porté sur l’ouverture vers des non Rotariens, fortement engagés dans les domaines de la santé, de l’économie ou de la protection de l’environnement. Dénommé Fusion, cette rencontre avait pour vocation de réunir ces forces agissantes de la société civile, de partager leurs expériences et de leur faire connaître celles du Rotary.
« Briser les barrières, construire des ponts » était le thème de Fusion. L’étendue géographique des zones rotariennes conviées à ce sommet montrait cette volonté de transcender les frontières habituelles d’un Institute rotarien, fréquemment limité à une ou deux zones parmi les 34 du monde. Ce sont en effet 10 zones, représentant 156 districts répartis sur 3 continents – soit 30% des Rotariens de la planète - qui étaient appelées à se rencontrer. Un événement salué par le Roi des Belges, Philippe, qui a reçu en audience privée le président et le vice-président du Rotary International. Cette invitation au palais royal fut l’occasion de souligner les grands engagements du Rotary à l’échelle planétaire.
Unifier les énergies pour une meilleure santé
L’éradication de la polio demeure l’action emblématique du Rotary. Le programme PolioPlus lancé en 1985 lorsque 350 000 nouveaux cas étaient décelés dans le monde chaque année, porte ses fruits dans la mesure où seuls quelques dizaines de nouveaux cas du virus sauvage subsistent aujourd’hui, en Afghanistan et au Pakistan. Directeur du centre d’évaluation des vaccinations à l’université d’Anvers, le Pr Pierre Van Damme a souligné que des cas dérivés du vaccin sont signalés dans le monde ; cependant, le nouveau vaccin oral utilisé (nOPV2) est plus performant et limite les risques de mutation du poliovirus. Autre note positive annoncée par cet épidémiologiste : le désengagement financier des États-Unis auprès de l’OMS n’empêchera pas la poursuite des campagnes de vaccination contre la polio dans la mesure où les principaux partenaires de l’Initiative mondiale pour l’éradication de la polio (IMEP) viennent de confirmer leur participation.
Un autre épidémiologiste, le Pr Peter Piot, explique que ses travaux sur le virus Ebola apportent un éclairage intéressant pour la lutte contre la polio ; des similitudes sont constatées afin d’endiguer le virus, notamment par la surveillance des eaux usées et la sensibilisation des populations à la vaccination. Convaincre les communautés qui doutent de l’efficacité des vaccins, du fait de coutumes ancestrales ou de désinformation, demeure essentiel. L’implantation et l’influence des Rotariens dans ces pays sont des atouts que ne possèdent pas la plupart des autres organisations.
La confiance des populations envers les vaccins est un problème crucial qu’étudie à Londres le Pr Heidi Larson, spécialiste des maladies tropicales. Elle scrute au plan mondial l’opinion des communautés sur les vaccins proposés afin d’apporter des réponses face aux peurs injustifiées, souvent provoquées par des rumeurs ou théories complotistes. Ces réponses sont communiquées aux autorités locales plus à même de rassurer les populations méfiantes vis-à-vis des vaccins. Là aussi, l’influence des Rotariens des pays concernés est importante pour convaincre les communautés du bien-fondé des vaccins.
L’appui des Rotariens est également souhaité dans les pays économiquement avancés, notamment pour les droits des personnes guéries d’une grave maladie, mais qui subissent des conséquences financières auprès de banques et d’assurances. C’est le plaidoyer du Pr Françoise Meunier, vice-présidente de l’académie royale de médecine de Belgique, en faveur du « droit à l’oubli » pour les anciens patients atteints d’un cancer, sur le modèle de la loi votée en France en 2016. « Sans une telle loi, les anciens patients sont discriminés pour tout emprunt bancaire, même lorsqu’ils sont complètement guéris » regrette cette oncologue. Ce handicap frappe notamment des personnes qui veulent créer une entreprise. Agir dans ce sens va dans la dignité des personnes et dans la liberté d’entreprendre. Le Rotary agit beaucoup en faveur de la santé, ainsi que pour le développement économique.
Intervenir dans le développement économique local
Plusieurs initiatives en matière de Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) sont évoquées, mettant en valeur les préoccupations sociales, environnementales et économiques de plusieurs entrepreneurs. L’initiative belge conduite par Nicolas Crochet, fondateur de Funds for Good, consiste à gérer des fonds d’investissement suivant les critères de la RSE pour les orienter vers des prêts d’honneur à des créateurs d’entreprises. Une attitude dans le droit fil de projets entrepris par des Rotary clubs dans le monde qui apportent financement et expertise à des entreprises naissantes. Parmi les aides apportées à de jeunes entreprises figure le microcrédit dont un exemple en Afrique est présenté : New Faces New Voices est une ONG qui propose à des femmes des cours de gestion ainsi que du mentorat, avant de bénéficier de microcrédits pour lancer leur entreprise. Ces Africaines qui ne peuvent bénéficier du soutien des banques peuvent, grâce à ce programme, accéder à une certaine autonomie et vivre dignement. Ce type de projet est soutenu par des Rotary clubs qui participent ainsi au développement économique et local, l’une des sept causes prioritaires du Rotary International.
Des initiatives entrepreneuriales mises en lumière
Une séance entière est consacrée à « Fusion off » dans le but de mettre en lumière plusieurs jeunes chefs d’entreprise. L’un entre eux, Alexandre Helson, responsable de la biscuiterie Maison Dandoy, explique le virage qu’il a entrepris lorsqu’il reprit l’entreprise familiale. L’utilisation de farines naturelles, suivant des traditions du XIXe siècle, souligne une volonté éco-responsable ; toute décision de fabrication tient compte des enjeux environnementaux, en particulier pour éviter le maximum de déchets. Un autre exemple de développement d’entreprise éco-responsable est donné par Emma Everard qui, à 24 ans, a lancé une vente en ligne de produits alimentaires bio. Ce concept consiste à proposer des produits sains au plus grand nombre. Une alimentation respectueuse de la biodiversité favorise une meilleure santé ; un chef d’entreprise, Jérémy Le Van, dirigeant de Riva Medical, explique le suivi médical dont tout un chacun peut bénéficier sur son Smartphone. Une application permet de contrôler différents critères de santé qui, analysés par l’IA, permet à des médecins d’intervenir très rapidement en cas de problème.
La paix, convergence de l’action
Les différentes interventions du président du Rotary International, Francesco Arezzo, portent essentiellement sur le rapprochement des peuples et la construction de la paix. « La paix est une activité, pas seulement un but ; elle n’est pas seulement l’absence de guerre. Il s’agit pour les peuples de vivre sans la faim, le manque d’eau, la pauvreté ou l’illettrisme, et d’entrevoir l’avenir avec le progrès. » Les Rotariens, soutenus par la Fondation Rotary, contribuent à la compréhension internationale, notamment par les Centres du Rotary pour la paix. Un nouveau centre va bientôt ouvrir ses portes en Inde, à Pune. Il s’agira de former des jeunes professionnels dont les métiers sont en lien avec la résolution des conflits ; le certificat sera obtenu après une année de cours prodigués par des enseignants au fait des questions internationales. Les boursiers de ce futur Centre du Rotary pour la paix seront issus de l’Asie, surtout du sous-continent indien, région très menacée par les rivalités entre l’Inde et le Pakistan. La Fondation Rotary est un outil de paix, comme l’illustre le « village de la réconciliation » qu’elle parraine au Rwanda, où vivent en harmonie des personnes qui se sont affrontées en 1994 lors du génocide. L’ancien président du RI Gordon McInally a visité récemment ce village et témoigne : « j’ai dialogué avec une victime et un acteur du génocide ; c’est une histoire à peine croyable de voir ces deux personnes vivre aujourd’hui en paix, sans cependant oublier le passé. »
Les Comités interpays (CIP) sont également cités comme outils du Rotary pour les rapprochements internationaux. L’un d’entre eux, le CIP France-Mali, reçoit au cours de la rencontre de Bruxelles sa charte. Un symbole fort à un moment où les relations diplomatiques entre les deux pays sont distendues.
Une mini convention mondiale
Par son internationalité exceptionnelle, Fusion apparaît comme une convention du Rotary International en taille réduite. Ce ne sera pas le cas l’année prochaine dans la mesure où quatre Institutes en Europe-Afrique auront lieu (Pays-Bas, Lituanie, Turquie, Ouganda).
Alain Van de Poel a fusionné les Institutes de 10 zones rotariennes en un seul à Bruxelles. Ce fut notamment l’occasion pour le tiers des futurs gouverneurs du monde de se rencontrer au cours de leur formation et de prévoir des projets internationaux.
« Fusion des idées, des énergies, unir nos forces pour agir plus efficacement, dépasser les frontières pour œuvrer ensemble » résume le vice-président du RI. Très ouvert sur la société civile, Fusion est un exemple d’adaptabilité régionale du Rotary. Les nombreuses interventions convergent sur un point essentiel : la volonté d’agir pour le progrès est efficace lorsque les forces s’unissent. Compte tenu de son implantation et de sa volonté de servir, le Rotary offre des possibilités matérielles et humaines pour des évolutions bénéfiques partout dans le monde. La devise de la Belgique « L’union fait la force » apparaît particulièrement adaptée à la vision mondiale du Rotary.
TEXTE DE CHRISTOPHE COURJON
Dans la même rubrique
16/07/2025 -
TOILE DE LA PAIX POUR L'INCUSION DU HANDICAP
Nous solliciterons la participation des Clubs Rotary partenaires dans différents pays afin qu’ils débusquent un…
Lire
01/07/2025 - Magazine 863 - Juillet 2025
FRANCESCO AREZZO, PRÉSIDENT 2025-2026 DU ROTARY INTERNATIONAL
Pour l’élection du président du Rotary International, tous les cas de figure sont prévus dans le Manuel…
Lire