L’ATTRACTIVITÉ DU ROTARY EN FRANCE : CE QU’EN PENSENT LES ROTARIENS
Rotary Mag a commandé une étude auprès d’un institut spécialisé sur l’attractivité du Rotary en France. L’ensemble des abonnés de Rotary Mag membres des Rotary clubs de France métropolitaine, d’Andorre et de Monaco ont été invités à répondre aux questions. Françoise Durand, présidente de l’Association Le Rotarien dont la mission principale est d’éditer le mensuel francophone, explique la démarche entreprise, dresse les principaux enseignements et propose des solutions qui découlent des réponses exprimées.
Quelles raisons ont motivé cette enquête auprès de l’ensemble des Rotariens, voire d’anciens Rotariens de France ?
Les Rotary clubs sont confrontés au défi de leur attractivité. Depuis plus de 10 ans, la création de clubs et la féminisation des effectifs ne suffisent pas à empêcher une érosion régulière des effectifs. Cette situation rend compte d’une difficulté durable à attirer et surtout fidéliser des nouveaux membres.
L’Association Le Rotarien a engagé un travail d’analyse approfondie pour comprendre les raisons de cette moindre attractivité et pour proposer des recommandations permettant d’y remédier.
Quelle méthode a-t-elle-été choisie ?
Confiée au cabinet Ezalen, cette mission s'est structurée en deux étapes :
- Une analyse qualitative issue d'entretiens et de groupes de travail conduits avec des Rotariens, des Rotaractiens et d’anciens Rotariens : près de 80 personnes ont été mobilisées au cours de cette phase. Les travaux ont été conduits entre juillet et décembre 2023.
- Une étude quantitative et qualitative réalisée par le moyen d’un questionnaire adressé à tous les abonnés de Rotary Mag de France : plus de 3 600 Rotariens ont répondu au questionnaire diffusé courant mars 2024 et dont l’analyse a été menée en avril et mai, soit un taux de réponse d’environ 15%. Ce bon niveau de participation est par ailleurs homogène selon les districts. On remarque que les Rotariens ayant plus de 10 ans d’ancienneté ont été plus motivés pour répondre à cette enquête.
Quelle est la tendance de l’évolution des effectifs depuis 10 ans ?
L’examen des données confirme la réalité d’une érosion régulière et généralisée du nombre de Rotariens en France. Ce nombre est passé de 32 500 à 27 500 entre 2014 et 2023. Cette baisse de 15% en moyenne concerne 17 des 18 districts, dans une fourchette allant de – 30% à +1%. Seul le district 1690 ( ex Aquitaine et Charente) connaît une légère croissance des effectifs.
L’érosion constatée en France s’inscrit dans un recul plus général des effectifs de la plupart des pays occidentaux. Elle se constate malgré une part croissante de femmes (26% en 2023 contre 21% en 2014), ainsi que la création de 112 clubs pendant cette même période.
L’âge moyen des membres du Rotary en France a augmenté et est plus élevé que la moyenne mondiale : 62 ans en France contre 58 ans dans le reste du monde.
Comment les Rotariens jugent-ils l’attractivité du Rotary en France ?
Une courte majorité juge positivement l’attractivité du Rotary (notée 5,6 sur une échelle de 1 à 9) et de sa capacité de fidélisation (notée 5,8 sur la même échelle). Cependant seuls 35% des répondants connaissent le taux d’érosion des effectifs depuis 10 ans, la majorité la sous-estimant.
La motivation d’appartenance est convergente, et varie peu selon les catégories : les trois premiers facteurs sont l’appartenance à une communauté de valeurs (26%), la réalisation d’actions humanitaires (23%), et l’esprit de convivialité (15%).
Les facteurs « utilitaires » (être dans un réseau professionnel, se faire des amis, être en contact avec les décideurs locaux, acquérir des compétences) sont en queue de classement.
Le « modèle Rotary » hérité de ses fondateurs et de ses successeurs répond-il aux aspirations de la société actuelle ?
L’étude réalisée met d’abord en évidence la force d’un modèle historique robuste et universel, de type « glocal » à deux niveaux principaux : mondial et local. L’universalité et la pérennité du modèle sont assurées par un cadre commun ainsi que par des mécanismes de régulation tels que la cooptation ou la rotation annuelle des responsables. L’existence de ce modèle constitue un atout essentiel, mais peut aussi se révéler un handicap face à un environnement de plus en plus instable. L’étude a donc porté sur les grands facteurs pouvant affecter le fonctionnement du Rotary tels que l’augmentation de l’âge moyen des membres, la révolution numérique qui transforme les usages collectifs et nous habitue à fonctionner en réseau, l’évolution de la place des femmes, la professionnalisation du secteur associatif et humanitaire.
À ces facteurs externes, l’étude ajoute quatre facteurs endogènes :
- Le principe de rotation des fonctions et leur brièveté qui nuit à la dimension stratégique.
- Le rôle des niveaux intermédiaires, dont la capacité d’animation managériale et stratégique est insuffisante.
- Des initiatives hors cadre dont il faut davantage garantir la cohérence des activités ou de la gouvernance.
- Une perception ambivalente de la Fondation Rotary, dont la valeur ajoutée est diversement appréhendée.
Quels sont les principaux facteurs cités pour accueillir de nouveaux Rotariens dans les clubs ?
Le besoin de diversifier les recrutements (88% des répondants), d’endiguer le vieillissement de l’image du Rotary (76%) et le fait que la motivation ne peut pas être le seul critère de recrutement (67%) font consensus.
Avec seulement 32 % de répondants se déclarant plutôt ou tout à fait d’accord, le renforcement de la sélectivité fait débat. Ainsi en est-il aussi du constat d’une trop grande hétérogénéité du fonctionnement des clubs (46%).
Que recommandent les Rotariens pour renforcer et développer les effectifs des clubs ?
L’étude ouvre plusieurs pistes. Il s’agit de davantage vivre la dimension professionnelle du Rotary : attirer les leaders des territoires qui ont la volonté et la capacité d’agir pour la société, rééquilibrer les dimensions professionnelles et caritatives, créer des parcours de formation communs à tous les districts de France sont les réponses les plus entendues. Il est nécessaire de développer la qualité d’animation pour mieux intégrer et fidéliser les membres ; parmi les suggestions, on note un meilleur suivi des clubs récemment créés, le regroupement des clubs aux faibles effectifs, une réflexion de tous les membres sur le sens et les valeurs du Rotary pour renforcer un idéal commun.
L’étude montre aussi un souhait de développer les liens entre les clubs pour qu’ils agissent davantage ensemble. Instaurer des mandats de 2 ans (pour les gouverneurs et les présidents), réduire le nombre de districts, et créer un échelon de responsabilité au niveau national font partie des suggestions les plus citées.
Quelle serait la stratégie à développer ?
Les résultats de l’enquête rendent compte d’une communauté attachée à son histoire et ses valeurs, consciente de l’évolution de la société mais ne prenant pas la pleine mesure de son vieillissement et des conséquences sur ses effectifs de sa perte d’attractivité. La menace pourtant est réelle, l’érosion, dont les causes sont structurelles, peut avoir des conséquences très dommageables à long terme.
Il convient d’en faire prendre conscience aux membres et de franchir un saut dans la nature et l'intensité des actions à entreprendre. Ceci passe par une stratégie de changement articulant exercice de conviction et plan d’actions, dans un appel équilibré au mouvement et au respect des fondamentaux.
Le Rotary International est l’un des premiers réseaux au monde et pourtant il oublie la portée d’être un réseau au moment où les réseaux sociaux se développent. En réponse à cette difficulté, l’annuaire électronique Rotary Mag répond à cette problématique à condition que les Rotariens acceptent de partager leurs données. Ayons confiance dans l’énergie et l’engagement des Rotariens et des Rotaractiens, dans l’implication des clubs et des équipes de districts pour relever ce défi.
Pour consulter l’ensemble de cette enquête : rotarymag.org
Une étude transmise aux instances dirigeantes rotariennes
Cette étude d’attractivité commandée par Rotary Mag a été présentée en juillet au Rotary International par l’administrateur de la zone 13 Alain Van de Poel. Elle a fait l’objet en octobre d’une présentation par Rotary Mag devant le CODIFAM, amicale des gouverneurs (en exercice, anciens et futurs) des districts francophones.
PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTOPHE COURJON
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