LE LONG CHEMIN DE LA PAIX CÉLÉBRÉ À LILLE

Magazine n°832 - Décembre 2022

À l’invitation des deux districts des Hauts-de-France ( 1520 et 1670) plus de 1 100 personnes se rencontrent à Lille pour étudier le rôle que joue le Rotary dans la recherche de la paix. Un événement marqué par des interventions de haut niveau, au premier rang desquelles deux lauréats francophones du Prix Nobel de la Paix, Ouided Bouchamaoui et Denis Mukwege.

Image LE LONG CHEMIN DE LA PAIX CÉLÉBRÉ À LILLE

Le choix de la ville n’est pas un hasard, dans la mesure où un autre lauréat du Prix Nobel de la paix – René Cassin – fut dans le passé membre du Rotary club Lille. C’est dans ce cadre que les gouverneurs Jocelyne Wullschleger (district 1520) et Sitou Gayibor (district 1670), appuyés par leurs homologues des districts wallons - Étienne Bailly ( district 2150) et Pascal Grosse ( district 2160) – accueillent les participants venus essentiellement de France et de Belgique.

 

L’intervention de deux Prix Nobel de la Paix

Ouided Bouchamaoui, alors présidente de l’Union tunisienne de l’industrie, a obtenu le Prix Nobel en 2015 pour son soutien à la transition démocratique en Tunisie. Elle a effectivement joué un rôle notable lors du Printemps arabe, en faveur du maintien de la paix civile dans son pays en proie d'une grave crise politique. Son concours en faveur du dialogue national a été significatif et a conduit à l’organisation d’élections présidentielles et législatives, puis à la ratification en 2014 d’une nouvelle constitution. Forte de cette expérience, Ouided Bouchamaoui est actuellement membre du Conseil consultatif pour l’égalité entre les hommes et les femmes en France, et également vice-présidente du Centre européen pour la paix et le développement. Son intervention à Lille porte sur la promotion de l’éducation, la parité et le dialogue pour installer une paix durable. Elle est identifiée comme l’une des femmes d’affaires les plus influentes en Afrique, sa parole apparaît comme l’une des plus écoutées du continent, voire du monde arabe.

La couverture du numéro d’octobre dernier de Rotary Mag présentait le Dr Denis Mukwege, lauréat du Prix Nobel de la paix en 2018. Une interview exclusive dans le magazine francophone portait sur son engagement comme gynécologue en République démocratique du Congo pour « réparer » les femmes et enfants victimes de viols de masse. C’est ce thème qu’il développe devant l’assistance lilloise, rappelant que « la guerre vient exacerber les violences sexuelles qui existent en temps de paix ». Son pays vit de graves troubles compte tenu de ses richesses minières âprement disputées, notamment les terres rares et le cobalt ( 60% des réserves mondiales de ce minerai sont en RDC). Ces troubles entraînent « des violences sexuelles comme armes de guerre, ce qui se constate dans toutes les guerres, que ce soit en Syrie, Irak ou Ukraine » explique le dr Mukwege. Il estime que « traiter les conséquences des violences sexuelles faites aux femmes et aux enfants, c’est bien, mais il faut aussi traiter les causes. » Pour cela, le lauréat du prix Nobel de la paix demande la création d’un tribunal pénal international pour les criminels de son pays afin que « justice soit rendue pour que la paix puisse s’établir. »

Les deux lauréats du prix Nobel de la paix sont reçus par la municipalité de Lille pour recevoir la médaille d’honneur de la ville.

Des initiatives internationales de paix conduites par des Rotariens sont décrites, soulignant l’engagement des clubs, des districts, ainsi que des réseaux d’amitié entre pays.

 

Le rôle des CIP dans le rapprochement des peuples

Au cours de cette rencontre, les Comités interpays (CIP) ont tenu leur assemblée générale et défini trois priorités d’action pour l’année prochaine : Ukraine-Russie, Méditerranée et Afrique. Mohamed Ghammam, président du conseil exécutif des CIP, membre du Rotary club Sidi Bou Saïd (Tunisie), souhaite réunir davantage de  Rotariens et Rotaractiens de ces pays à travers ces CIP pour qu’ils s’écoutent, dialoguent et entrevoient des solutions.

Lors d’une présentation, l’importante aide humanitaire apportée et le dialogue entrepris dans les zones de conflits en Ukraine sont détaillés par Xavier Pacaud, président de la section française du CIP France-Ukraine. Ce CIP est beaucoup intervenu dans l’organisation de convoi de matériels et de denrées pour les populations ukrainiennes, et aussi pour l’accueil en France de réfugiés, logés parfois au domicile de Rotariens. Des actions analogues menées par le CIP Belgique-Ukraine sont également expliquées par Nathalie Huyghebaert, présidente élue du Conseil exécutif des Comités interpays.

De nombreux civils ukrainiens se sont réfugiés essentiellement en Pologne, d’autres en Roumanie et en Moldavie. Une aide logistique importante a été apportée par les CIP France- Pologne et France-Roumanie-Moldavie, comme le soulignent leurs présidents respectifs Marguerite Szyc et Guy Cahané. Un message poignant du président de la section russe du CIP France-Russie, Issa Togo, est lu par son homologue de la section française, Bertrand Baranovsky ; il fait notamment part de la réaction du gouverneur du district russe 2223 et de ses deux successeurs : « (…) Nous sommes préoccupés par les événements qui se déroulent dans le monde. Des travaux sont en cours sur notre participation à des projets de maintien de la paix conformément à la législation de notre pays. Les temps sont différents. Ils passeront, et il est important pour nous de préserver nos valeurs et nos relations (…). Le Rotary en Russie reste un maillon de la diplomatie publique qui contribuera à établir des relations amicales avec le monde extérieur. Le Rotary est en dehors de la politique, des religions et des préjugés raciaux, car il est basé sur des valeurs universelles et ne s'immisce pas dans les affaires des États… »

 

Réflexions sur les Droits de l’Homme

L’une des interventions les plus remarquées est celle de Maria Arena, présidente de la commission des droits de l’homme au parlement européen. Après avoir rappelé les valeurs intangibles qui unissent les 27 États membres, la députée belge au parlement européen souligne le principe d’universalité accompagné par la mise en place d’institutions internationales surveillant et sanctionnant les atteintes aux droits de l’homme. « Ce que l’on fait pour l’Ukraine, il faudra le faire pour d’autres pays. Ce qui n’a pas été fait pour la Syrie a été une erreur ». L’objectif de recourir au Tribunal pénal international apparaît être une excellente solution, quitte à développer d’autres procédures, commente Maria Arena.

 

Rencontre avec le tissu entrepreneurial

Précédant la conférence sur la paix, une rencontre avec le  patronat local « Entreprises et Cités » fut organisée, rappelant que le Rotary est avant tout un club de responsables professionnels de tous horizons, engagés dans l’esprit de servir. « Entreprises et Cités », organisme auquel plusieurs Rotariens sont membres, est une plateforme où se côtoient acteurs économiques, institutionnels, élus etc. Très ancrée dans la modernité, elle promeut une vision large de l’entrepreneuriat, levier de croissance et de développement territorial. La mise en place, depuis cinq ans, d’un fonds de dotation entrepreneurial apparaît comme un modèle innovant de philanthropie, qui prolonge la dynamique RSE (Responsabilité sociétale de l’entreprise), et s’inscrit dans une logique de mécénat au service de l’intérêt général. Une vision très en harmonie avec l’esprit des Rotariens.

La conférence sur la paix s’achève par la montée sur scène de 150 Students actuellement accueillis dans les Hauts-de-France, représentant de très diverses civilisations. Le programme d’échanges de jeunes est l’un des projets qui contribuent le plus visiblement à la construction de la paix. Il permet chaque année à des milliers de jeunes de découvrir pendant 10 mois une autre culture à l’intérieur de plusieurs familles qui les accueillent comme leurs propres enfants. C’est un ensemble de programmes d’une telle envergure qui forgent la compréhension internationale à laquelle contribue le Rotary.

 

 

TEXTE DE CHRISTOPHE COURJON

 

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