MICROCRÉDIT, MÉGA UTILITÉ

Magazine 811 - Mars 2021

Les Rotary clubs recourent fréquemment au microcrédit pour développer l’économie locale des pays en voie de développement. Ces aides apportées à des personnes qui veulent entreprendre, mais qui n’ont pas accès au système bancaire classique, sortent de la pauvreté des communautés entières. Un système qui nécessite peu de fonds, mais dont l’effet de levier est perceptible.

Image MICROCRÉDIT, MÉGA UTILITÉ

Un concept encouragé par le Rotary International

 

Notre mouvement n’a pas attendu que ce système de développement économique soit à la mode pour le promouvoir. Le fondateur du concept du microcrédit, le Bangladais Muhammad Yunus, fut à l’honneur en étant désigné Prix Rotary pour la compréhension internationale en 1999, sept ans avant d’obtenir le prix Nobel de la Paix. La pensée de Muhammad Yunus fut promue à tous les niveaux du Rotary, et présentée lors de plusieurs conventions mondiales, dont celle de Bangkok en 2012 où le chantre du microcrédit fut l’intervenant vedette.

 

Les actions des clubs et des districts dans le cadre du microcrédit sont éligibles aux subventions mondiales de la Fondation Rotary (Global grants). Pour ce faire, il est demandé de collaborer avec une institution de microfinance agréée car la Fondation Rotary ne finance pas de système de garantie de prêt. La Fondation Rotary accepte d’accorder une subvention mondiale si les projets comportent des volets d’éducation ou de formation professionnelle. C’est le cas d’une action pérenne en Équateur, conduite par des Rotary clubs américains, qui apporte un enseignement en couture et en cuisine à des femmes afin qu’elles puissent créer ou développer leurs entreprises et faire vivre leurs familles. En partenariat avec une organisation de microfinance, le Rotary club local établit un centre de formation où les bénéficiaires de prêts apprennent les techniques de base de la gestion d’entreprise. La subvention mondiale fournit les fonds de départ pour financer les premiers prêts et acheter du matériel de couture et de cuisine pour le centre de formation. C’est l’ensemble de la collectivité équatorienne qui bénéficie de l’investissement des Rotariens à travers cette action internationale.

 

La Fondation Rotary considère qu’une action de microcrédit est achevée lorsque le montant total du capital de départ a été prêté, remboursé et prêté une deuxième fois. Lorsque la Fondation clôt le dossier de subvention mondiale, l’institution de microcrédit conserve le capital de départ qu’elle devra continuer de prêter à des petits entrepreneurs. Le développement économique local perdure et s’amplifie à travers ce système de prêt.

 

 

Des projets portés majoritairement par des femmes

 

Les concepteurs du microcrédit ont dès le départ privilégié l’aide aux femmes qui entreprennent une activité économique, considérant que les retombées en faveur des familles sont plus évidentes que des prêts accordés à des hommes. D’autre part, beaucoup de femmes bénéficiaires de ces soutiens élèvent seules des enfants, ce qui les motivent à réussir. Elles ont parfois, grâce au microcrédit, la possibilité pour la première fois de gagner elles-mêmes de l’argent et donc d’acquérir de l’autonomie.

 

Une action entreprise depuis 2015 par le Rotary club Abidjan Atlantis bénéficie à ce jour à 122 femmes, pour un montant total de 17 millions de francs CFA (26 000 €). Issues du plateau Dokui, ces femmes exercent des métiers aussi variés que coiffeuse, vendeuse de légumes ou de pagnes, tenancière de petits restaurants etc. Lors d’un témoignage poignant en décembre dernier devant la presse, Élisabeth Pangnet Monyehi, commerçante de produits vivriers, a expliqué comment ce coup de pouce des Rotariens « a entraîné des changements positifs dans les vies familiales, sociales et professionnelles des bénéficiaires ». Avis partagé par Alima Gbané Badini, responsable de l’action Microcrédit du Rotary club Abidjan Atlantis, qui « remercie les femmes de Dabou qui ont entièrement remboursé leurs emprunts malgré la crise qu’a connue cette ville ces derniers mois ».

L’expérience montre que la quasi-totalité des prêts accordés à ces personnes sont remboursés. Au Guatemala, la plupart des femmes des zones rurales n’ont pas accès aux prêts des institutions financières traditionnelles ; aussi, le Rotary club La Ermita a entrepris la formation de 400 femmes en finance pour qu’elles puissent mutualiser leurs fonds et créer leur propre programme de microcrédit. Cette action originale dans ce pays d’Amérique centrale prouve les bienfaits de la formation professionnelle appuyée par la mutualisation des moyens financiers. Le point commun de tous ces projets est de faciliter l’autonomie des femmes dans des pays où leurs droits ne sont pas reconnus dans les faits, même s’ils sont gravés dans les institutions.

 

 

Une plateforme très utilisée en France

 

La plupart des Rotary clubs français investis dans des actions de microcrédit sont affiliés à Babyloan, première plateforme européenne du prêt solidaire. Présentée dans Rotary Mag de janvier 2021 (pages 34-35), Babyloan finance actuellement des micros projets dans une quinzaine de pays en voie de développement. Tout Rotary club peut y ouvrir un compte et verser une somme d’argent, même très modeste. Celle-ci lui sera restituée, déduction faite de quelques frais de fonctionnement, lorsque le club décidera de se retirer. Pour le club, Il s’agit d’utiliser quelques excédents de trésorerie à des fins d’émancipation économique au service de la dignité humaine.

 

Le Rotary club Montpellier a affecté en 2016 la somme de 5 000 € pour des projets Babyloan. « Ces fonds, prêtés pour une période d’un an en moyenne, ont déjà bénéficié à 315 petits entrepreneurs dans des pays aussi variés que le Vietnam, le Mexique, le Kenya ou le Tadjikistan  » déclare Jean-Pierre Troisville, responsable des actions de microcrédit du Rotary club Montpellier, ancien directeur régional d’une grande banque française. Le club choisit les projets présentés par la plateforme chaque fois qu’un prêt lui est remboursé. La moitié des projets retenus sont agricoles, un quart concerne le commerce. L’argent peut servir à acheter deux vaches ou cinq chèvres, ce qui permet de débuter une activité de laitages. Certains bénéficiaires ne savent pas lire, mais sont capables d’exercer une activité rentable ; comment ces personnes illettrées pourraient-elles obtenir la confiance d’un établissement bancaire classique ? « Les remboursements mensuels étant immédiatement réutilisés pour de nouveaux projets, l’effet boule de neige est impactant puisque nous avons prêté 4,4 fois notre mise de départ » détaille Jean-Pierre Troisville. Cette action présente l’avantage d’une très grande simplicité et n’est pas chronophage, puisqu’il suffit de trois clics sur la plateforme pour réaliser un prêt. Beaucoup de personnes sont étonnées de constater un taux d’intérêt moyen de 16,50 % demandé aux emprunteurs. Ce taux est en fait très modeste dans la mesure où les projets d’entreprises ont souvent lieu dans des pays à forte inflation, et parfois d’hyperinflation. On imagine combien seraient les taux d’intérêt si ces personnes s’adressaient à des usuriers, voire à des mafieux…

Ce type d’opération peut paraître frustrant aux Rotariens dans la mesure où les bénéficiaires ne connaissent pas leurs bienfaiteurs, mais uniquement l’institution de microcrédit et ses bénévoles qu’ils rencontrent. Néanmoins, ce système entre pleinement dans le cadre de l’un des sept axes d’action du Rotary International, celui du développement économique et local.

 

Le succès de ce concept repose sur la confiance des prêteurs envers ceux que l’on aide, et peu d’entre eux sont dans l’incapacité de rembourser, conscients que ces sommes bénéficieront à d’autres personnes dans leur situation. Toutefois, la crise sanitaire risque de rendre impossible les remboursements pour une partie des bénéficiaires.

 

 

Un facteur de paix

 

L’autonomie économique est le plus court chemin vers une vie meilleure et plus productive. Elle réduit les tentations de l’exode rural ou d’une émigration incertaine. Forts de ce constat, les Rotariens sont conscients que la pauvreté est à l’origine de nombreux problèmes de santé, de tensions familiales, voire de conflits locaux ou régionaux. Quelques centaines d’euros ne représentent pas grand-chose pour des Occidentaux, mais une petite fortune dans les pays en voie de développement qui permet de s’extraire de la pauvreté. En tant que décideurs et professionnels, les Rotariens disposent des compétences pour choisir les collectivités en difficulté à conquérir de l’autonomie. Le développement économique local est un facteur de paix, but ultime du Rotary.

 

 

Le microcrédit en France

 

Des établissements bancaires sont agréés par le Fonds de cohésion sociale (FCS) mis en place par l’État pour participer au dispositif de microcrédit. La gestion du FCS est confiée à la Banque publique d’investissement (BPIfrance). Les sommes (en moyenne 2300 € à rembourser en trois ans) sont prêtées à des personnes qui créent leur entreprise.

L’Association pour le droit à l’initiative économique (ADIE) est très investie pour aider des personnes en difficulté à créer leur propre emploi, à travers le microcrédit.

 

 

TEXTE DE CHRISTOPHE COURJON

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