IL Y A 100 ANS, LE ROTARY ARRIVE À PARIS !

Le Rotary club Paris célèbre son centenaire, 16 ans après celui de Chicago, premier Rotary club fondé au monde. Des Années folles à celles des confinements et des couvre-feux, le premier club français a essaimé dans tout le pays et apparaît comme l’ancêtre commun de tous les Rotary clubs de France. Un ancêtre bien vivant, fort de 185 membres, soit l’effectif le plus nombreux du pays. Revenons un siècle en arrière.

Image IL Y A 100 ANS, LE ROTARY ARRIVE À PARIS !

L’histoire rotarienne française commence en 1912 avec Elmer Murphey, industriel membre du Rotary club Chicago. De passage à Paris, il y mène des discussions en vue de la fondation d’un club local et rentre avec un message rapportant que « Jean-Louis Vuillaume, directeur de la société La Nationale caisse enregistreuse est à l’œuvre pour constituer un club à Paris ». Paul Harris est ravi et publie dans The Rotarian un message de félicitation à Murphey. Pour le fondateur du Rotary, Paris est en effet un objectif stratégique car les Américains n’ont pas oublié que la France est la première nation à avoir reconnu l’indépendance des États-Unis en 1778.  La mission Murphey n’aura pas de suite, ni aucune des trois autres menées en 1913 et 1914 par des membres des clubs de Toledo, Albany et New York auprès d’autres interlocuteurs français.  La guerre sur le continent européen arrête ensuite toute autre tentative.

 

L’éphémère Rotary club des Alliés en France

En février 1917, les États-Unis entrent en guerre, et c’est dans le Corps expéditionnaire américain en France que l’on trouve les premières racines du futur Rotary club Paris. Le premier de ces foyers est inauguré le 21 septembre 1917 à Paris par William Sharp, ambassadeur des États-Unis. Il est situé au Grand Hôtel du Pavillon, 36 rue de l’Échiquier dans le 10e arrondissement, là où naîtra en 1921 le Rotary club Paris dont le premier secrétaire s’appellera Charles Wachter, d’origine suisse, directeur-propriétaire de l’hôtel. « Servir » est pour lui une évidence car en 1915 il avait aménagé son hôtel en foyer de convalescence de la Croix Rouge française pour blessés de guerre.

En février 1918, Paul Harris lance un appel dans The Rotarian, enjoignant les Rotariens dans les forces armées à tout faire pour favoriser la constitution d’un club à Paris. Son appel est entendu par Ancil Brown, secrétaire du Rotary club Indianapolis, en partance pour la France. Il propose à Chester Perry, secrétaire général du Rotary International, de former un Rotary club à Paris et obtient un mandat officiel à cet effet.  Brown, officier de la Croix Rouge dans le Corps expéditionnaire américain, est expert-comptable dans le civil, ce qui lui vaut d’être chargé d’une mission d’audit à Paris auprès de la branche américaine de l’YMCA.

En cet été 1918, un autre officier de la Croix Rouge américaine se trouve à Paris. Il a 27 ans et s’appelle William Daus, fils d’un architecte américain passé par les Beaux-Arts de Paris et d’une mère française. Il ignore qu’il sera en 1921 l’un des 16 membres fondateurs du Rotary club Paris. Affecté au quartier général de l’organisation, place de la Concorde, il y croise Frank Mulholland, ancien président du Rotary International (1914-1915), alors en brève mission en France, également pour le compte de la Croix Rouge américaine. Ils évoquent ensemble la fondation d’un Rotary club à Paris, car Daus compte s’y établir après la guerre, sa mère devenue veuve y résidant déjà.

Brown envoie le 24 août 1918 au Rotary International un câblogramme ainsi rédigé : « Le Rotary club Allié en France vient d’être fondé lors d’un dîner à Paris dans la soirée du 23. Les déjeuners hebdomadaires se tiendront le jeudi à l’Hôtel Continental. ». Le Rotary club des Alliés, réservé aux membres des forces alliées américaines et du Commonwealth, n’est qu’une structure éphémère. La paix venue, il perd sa raison d’être, mais entre dans l’histoire rotarienne comme premier club sur le sol français.

 

L’armistice rend possible la création du club

La guerre finie, William Daus envoie à Chester Perry, le 22 avril 1919, un message qui ne signale aucun progrès dans la constitution d’un club parisien. Sans autres nouvelles durant le reste de l’année, Perry décide de changer de braquet. En février 1920, le conseil central du Rotary International nomme des responsables chargés de constituer des clubs dans des pays-cible, dont la France et l’Espagne. Pour la France, le choix se porte sur John Edward Lloyd Barnes, ancien gouverneur du district du Royaume-Uni, qui s’était distingué en 1917-1918 dans l’organisation de l’accueil en Angleterre de permissionnaires du front français, en liaison avec l’YMCA britannique. YMCA, encore… Lloyd Barnes nomme un responsable sur place, Elmer Felt, industriel membre du Rotary Club Tacoma (près de Seattle), séjournant alors à Paris durant une tournée d’inspection de ses succursales européennes, dont la parisienne dirigée par Henry Geay, autre membre fondateur du futur club de Paris.  Chester Perry lui-même vient voir Elmer Felt à Paris les 16-17 mai 1920, bref passage se révélant trop court pour la constitution formelle d’un comité d’organisation.

Le 20 octobre 1920, Robert Withington, membre du Rotary club Philadelphie, de passage à Paris, donne un coup de main à Felt en organisant à ses frais à l’Hôtel Edouard VII un dîner. Autour de Withington et Felt, on y trouve cinq futurs membres fondateurs du club de Paris :  Antonie Vonk, Néerlandais, directeur d’une société d’importation de charbon, Bernard Schröder, dentiste, William Daus que nous connaissons déjà, devenu entre-temps loueur de limousines de luxe, ainsi que Richard Waller et George Thompson, hommes d’affaires américains installés à Paris. C’est donc ce 20 octobre 1920 que se forme le noyau du futur Rotary club Paris qui comptera 16 membres à sa constitution, 7 Français, 7 Américains, 1 Néerlandais et 1 Suisse.

 

 

La charte est attribuée le 1er avril

 

Le processus subit un revers car Elmer Felt décède brusquement le 6 janvier 1921. La formalisation de la constitution du club de Paris n’étant pas achevée, le conseil central du Rotary International nomme le 24 février un successeur à Felt en la personne de John Bain Taylor, ancien président du Rotary club Londres. C’est sous la responsabilité de ce dernier qu’est finalisée la fondation du club de Paris, Antonie Vonk étant président du comité d’organisation local. L’adhésion à l’Association internationale des Rotary clubs intervient trois mois après celle de Madrid, le 1er avril 1921, sous le n° 905. Voilà le Rotary club Paris enfin constitué, avec son siège au Grand Hôtel du Pavillon.

En avril 1921, les 16 membres fondateurs portent à leur tête Gabriel Gorce, éditeur-imprimeur originaire de Toulouse, avec l’hôtelier Charles Wachter comme secrétaire. Pour célébrer dignement la naissance de leur club, une idée folle surgit…

 

Une cérémonie dans le sillage de la Convention d’Édimbourg   

La 12e convention mondiale du Rotary va se tenir à Édimbourg, du 13 au 16 juin 1921. S’agissant de la première convention hors du continent américain, beaucoup de participants américains en profiteront pour prolonger leur séjour en Europe. L’idée est alors de faire venir à Paris le plus grand nombre possible de congressistes, et d’associer la célébration de la naissance du Rotary club Paris à celle de l’« Independence day » américain du 4 juillet en organisant un grand moment de fête, du dimanche 3 juillet au mercredi 6 juillet.

Mais le temps presse car le programme officiel de la convention est déjà publié, et l’on est à deux mois de l’évènement.  L’envergure et l’urgence du projet rendent celui-ci totalement hors de portée pour les 16 fondateurs, mais leur enthousiasme ne connaît pas de limite, et ils décident de mobiliser les pouvoirs publics. En un temps record, ils obtiennent le soutien du ministère du Commerce extérieur qui est ravi d’accueillir à Paris des hommes d’affaires américains en nombre ; les Affaires étrangères font de même, suivies du ministère de la Guerre et enfin celui des Travaux publics.  Et pour finir, l’ambassadeur des États-Unis, Hugh Wallace, accorde également son patronage. 

Ces prestigieux concours publics permettent de construire un programme éclatant transmis au Rotary International qui l’ajoute immédiatement comme « The week in Paris » à l’agenda officiel de la Convention d’Édinbourg, faisant de ce crochet le point d’orgue de la manifestation.  Pour réitérer de vive voix l’invitation, le président du Rotary club Paris, Gabriel Gorce, se rend à Édinbourg pour prendre la parole à la tribune de la Convention. Il s’y fait accompagner par deux membres du club, le new-yorkais d’origine William Daus, et Antonie Vonk, ancien président parisien du comité d’organisation qui connaît bien l’état-major rotarien. L’appel des Parisiens est entendu : sur les 2500 participants, 500 viendront à Paris, et ils ne seront pas déçus !

 

Un faste rarement atteint pour un remise de charte

Le programme est en effet exceptionnel : 

Dimanche 3 juillet : services religieux au temple de l’Étoile, à Notre-Dame, au Sacré Cœur et à l’église de la Madeleine. Dans l’après-midi visite de Versailles.

Lundi 4 juillet « Independence Day » américain : pèlerinage aux champs de bataille de la Marne par chars-à-banc et automobiles.  

Mardi 5 juillet : dépôt d’une gerbe sur le tombeau du Soldat inconnu ; déjeuner au Grand Hôtel du Pavillon ; puis réception de délégations par le président de la République - Alexandre Millerand - et le président du conseil municipal et enfin garden-party offerte par S.A.R. la duchesse de Vendôme, sœur du roi Albert 1er de Belgique, dans sa résidence de Neuilly-sur-Seine. Cette dernière s’était engagée comme infirmière sur le front en 14-18. Le soir, grande réception au Club interallié offerte par le gouvernement français représenté par Lucien Dior, ministre du Commerce extérieur et le vicomte Dejean, directeur des Affaires d’Amérique au ministère des Affaires étrangères, en compagnie de toute une cohorte de personnages officiels. Et pour finir la journée, une représentation de gala au Théâtre Antoine avec Firmin Gémier dans un acte de La Bataille de Claude Farrère. Gémier et Farrère sont des vedettes du moment, le premier en tant qu’acteur, le second en tant qu’auteur du roman La Bataille, bestseller sur la guerre russo-japonaise vendu à plus d’un million d’exemplaires.

Mercredi 6 juillet : visite de Paris par groupes. Pour les messieurs, les grands monuments et musées, le conservatoire des Arts et Métiers, les usines Renault ou la Manufacture de Sèvres ; pour les dames les magasins du Printemps et du Bon Marché ainsi que les principaux établissements de Haute-Couture. Et en final, grand dîner de clôture de 400 couverts à l’Hôtel Continental suivi d’un bal.      

Voici, dans le compte rendu officiel, le vibrant mot de la fin du récit de ces folles journées parisiennes de clôture de la convention d’Édinbourg : « Elle a dépassé les plus ardents espoirs du rêveur même le plus visionnaire en devenant sous nos yeux page d’histoire en train de s’écrire ».  Notons que malgré tous les concours prestigieux, les festivités laisseront dans la caisse du jeune club un déficit de près de 4000 francs (à peu près autant en euros). Bon prince, le secrétaire général du Rotary International enverra un chèque en décembre 1921…

 

La voie ouverte à l’expansion du Rotary en France

Après la création du Rotary club Paris viennent s’ajouter en 1923 les clubs Toulouse et Lyon, suivis en 1924 par Nice. En avril de cette même année paraît le premier numéro de la revue Les Rotary-Clubs de France et le territoire français est érigé en district.  En 1925 suivra Vichy puis en 1926 Marseille. C’est ensuite en 1927 que se produit le véritable essor avec la naissance des clubs Saint-Étienne, Nantes, Lille, Cannes, Bordeaux, Perpignan, Dijon, Saint-Raphaël et Grenoble. Le 20 juin 1928, le fondateur du Rotary International, Paul Harris, honore la France de sa visite en se rendant au Rotary club Paris. 

Aujourd’hui 2021, la France compte environ 1100 Rotary clubs. Tous sont par les parrainages successifs, de façon directe ou indirecte, des descendants du Rotary club Paris. Le centenaire du Rotary club Paris est aussi celui du Rotary en France.

 

Vidéo sur le développement du Rotary il y a 100 ans: https://www.facebook.com/rotary/videos/434640151167654

 

Une Convention à Paris

En mai 1953, la Convention du Rotary International se tient à Paris. Elle accueille 10 000 participants, nombre important à l’époque.

  

Parmi les membres les plus éminents

Ils sont ou ont été membres actifs du Rotary club Paris :

Maurice Allais, Prix Nobel d’économie

Philippe Bouvard, journaliste

Jean Borotra, champion de tennis

Roger Chapelain-Midy, artiste peintre

Jean Dutourd, écrivain, de l’Académie française

Jean Leclant, égyptologue, secrétaire perpétuel de l’Académie des inscriptions et belles lettres

Robert Manuel, metteur en scène

Jacques Robert, membre du Conseil constitutionnel

 

Ces Rotariens sont eux-aussi centenaires

Georges Bodin (Les Sables d’Olonne)

Francis Delesalle (Caen)

Jacques Tezier (Valence)

André Salmon (Grenoble Chartreuse)

Jean Guiffray (Vienne)

Simonne Gablin (Avranches Mont Saint-Michel)

Élie d’Humières (Paris)

Maurice Nanty (Lavaur Graulhet)

Paul Deguise (Pamiers)

Julien Franc (Narbonne)

Jean Amathieu (Tulle)

Maurice Champavere (Saint-Étienne Vallée du Gier)

Michel Daoudal (Savenay Portes nantaises Loire océan)

Georges Maistret (Langres)

Henri Tallon (Clermont Ferrand Chamalières)

Jacques Duvoir (Dourdan)

 

TEXTE DE PAUL SCHNEEBELI

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