HOLGER KNAACK, UN PRÉSIDENT JEUNE DE COEUR

Magazine 803 - Juillet 2020

Holger Knaack est le premier Allemand à devenir président du Rotary International. Il propose de partager sa vision du Rotary du futur à travers sa devise « le Rotary ouvre des opportunités ». Fort d’une solide expérience dans le cadre des échanges de jeunes du Rotary, Holger Knaack encourage les clubs à développer les actions de jeunesse et d’approfondir les liens entre le Rotary et le Rotaract. TEXTE DE JENNY LLAKMANI

Image HOLGER KNAACK, UN PRÉSIDENT JEUNE DE COEUR

C’est la fin du marché de Noël annuel du Rotary club Herzogtum Lauenburg-Mölln, dans le cloître de la cathédrale de Ratzeburg (XIIe siècle). Deux jours de vente d'objets artisanaux, de gui, et de gâteaux faits maison ont rapporté au club 8 000 euros qui iront, cette année, à une association allemande prenant en charge les enfants gravement malades. Tandis que les membres du club démontent les stands, Holger Knaack, tête baissée, aspire miettes et morceaux de guirlandes qui jonchent le sol.

 

Holger Knaack est alors président élu du Rotary International et s’apprête à entrer dans ses fonctions le 1er juillet. Mais il est également un Rotarien comme les autres, membre de son club depuis 27 ans, et qui participe autant que tous. « Il désire seulement être un ami parmi ses amis », dit Barbara Hardkop, membre du club.

 

Man holt die Leute ins Boot, dit une expression allemande, ce qui signifie engager les gens à réaliser un but commun. Au cours de l'année, les Rotariens constateront que Holger Knaack n'est pas le genre d’homme à laisser les autres faire le travail. Mais tout aussi importante, pour lui, est la philosophie selon laquelle travailler dur ne signifie pas que l’on ne peut pas aussi passer de bons moments. Tandis qu’il se consacrera, cette année, à recruter des membres — dans l’optique, en particulier, de sa priorité majeure qui est d’investir dans les jeunes —, il fera également de son mieux pour s'assurer que chacun prenne du bon temps.

« C'est un principe fondamental d’Holger, confie son ami Hubertus Eichblatt, un autre membre du club. Quand nous nous réunissons, nous devons nous amuser. »

 

Holger Knaack n’est pas seulement un président du Rotary International atypique parce qu'il s’habille en jeans et ne porte pas, en général, de cravate. Il a accédé à cette fonction d’une manière non traditionnelle : contrairement à nombre de ses prédécesseurs, il n’a pas gravi les échelons dans l’administration du Rotary. Il a été président de club et gouverneur, mais il n'a exercé qu'une seule fonction au Rotary International, celle de formateur de gouverneurs élus, avant de devenir administrateur. Il se rappelle avoir assisté à un Institute (séminaire de formation et d’information destiné essentiellement aux gouverneurs de la zone) où les gens lui avaient demandé quelles autres fonctions il avait exercées au niveau du district avant de devenir gouverneur. « J'ai répondu : ‘Aucune. Aucune. Tous’ ont été très surpris », se souvient-il.

 

 

Très impliqué dans les échanges de jeunes

 

Holger Knaack est surtout connu pour son implication dans le programme d’échanges de jeunes du Rotary. Une expérience profonde et extraordinairement significative pour lui et sa femme, Susanne : ils n'ont pas d'enfants, mais ils ont ouvert leur maison — et leur cœur — à des dizaines de jeunes.

Peu de temps après 1992, l’année où il a rejoint son club, Holger Knaack a collaboré à un camp pour les jeunes d’un échange de courte durée, dans le nord de l'Allemagne. Il a été immédiatement séduit. « C'est une expérience où votre cœur s'ouvre. Si vous parlez à ces jeunes, ils vous diront chaque fois : ‘Ce fut le meilleur moment de ma vie.’ Parfois, je pense qu'ils sont surpris d’eux-mêmes, de ce qu'ils sont capables de faire et des possibilités qui s'offrent à eux, grâce au Rotary. »

 

Des opportunités se sont également présentées à Knaack. Il est devenu responsable du programme d’échanges de jeunes de son club et, après avoir été gouverneur du district 1940 en 2006-2007, il a été invité à présider le programme multi-district allemand d’échanges de jeunes, fonction qu'il a exercée jusqu'à la veille de son entrée au conseil d’administration du Rotary International en 2013.

 

 

Une longue lignée de boulangers

 

Holger et Susanne Knaack adorent voyager, mais ils ont vécu toute leur vie non loin de leur lieu de naissance : elle à Ratzeburg, lui dans le village voisin de Groß Grönau, à 65 km au nord-est de Hambourg. Leur éducation a été étonnamment similaire. Tous deux sont nés en 1952 et ont vécu au-dessus de la boutique de l'entreprise familiale : le père et le grand-père de Susanne étaient fabricants de saucisses et la boulangerie familiale d’Holger avait été fondée par son arrière-arrière-arrière-grand-père en 1868.

 

Holger et Susanne vivent dans la maison qui appartenait à la grand-mère de Susanne ; à côté, la sœur de Susanne, Sabine Riebensahm, habite là où toutes deux ont grandi. Il y a dix ans, après la mort de son mari, la sœur d’Holger, Barbara Staats, a emménagé dans un appartement situé au dernier étage. Les deux maisons ont neuf chambres d'amis au total, et en comptant les 12 petits-enfants de Barbara, les dizaines d'actuels et anciens participants du programme d’échanges de jeunes et divers autres amis, l’une de ces chambres, au moins, est généralement occupée.

 

Chaque matin, tout le monde se retrouve pour prendre le café dans le salon de Holger et de Susanne où les baies vitrées offrent une vue sur le Küchensee, l'un des quatre lacs qui entourent Ratzeburg. Ils déjeunent souvent ensemble, avant de prendre un autre café. Puis Holger a un rituel : il se plie sur un petit canapé pour faire une sieste tandis que Susanne, Barbara et Sabine continuent leur conversation.

 

Tous quatre se partagent les tâches, notamment faire les courses et la cuisine. « Si l’on a besoin de quelque chose, il suffit de parler à voix haute, dit-il. Je pense que c'est la manière idéale de vivre : ensemble. Le secret de tout est de se demander : quel est mon but ? Le nôtre, c’est exactement la manière dont nous vivons actuellement. »

 

 

Innovant en toute circonstance

 

Lorsqu’il était jeune homme, Holger travaillait comme chauffeur le week-end et, durant les vacances, pour sa boulangerie familiale. Après avoir terminé ses études secondaires, il a fait son apprentissage, dans une autre boulangerie. Après la fin de son apprentissage et d’un autre stage d’un an dans une grande usine de pain à Stuttgart, il s’est rendu à Kiel étudier l'administration des affaires. Lors de la première réunion des étudiants, il a aperçu sa future épouse. « J'ai vu pour la première fois Susanne le 20 septembre 1972, raconte-t-il, Je m'en souviens très bien. » Holger n'a pas fait la même impression à Susanne, peut-être parce qu'il y avait 94 hommes et seulement trois femmes dans leur classe. Mais ils ont rapidement fait connaissance et le week-end, ils rentraient ensemble à la maison pour travailler dans leurs entreprises familiales respectives. Avant de retourner à Kiel le dimanche soir, ils remplissaient la voiture de pains de la boulangerie Knaack et de saucisses de la boutique Horst. « Nos amis ne manquaient pas de venir le lundi », dit Susanne en riant.

 

Ils ont obtenu leur diplôme en 1975 et se sont mariés l'année suivante. Chacun d'eux a continué à travailler dans l'entreprise de sa propre famille. À l'époque, la boulangerie Knaack comptait plusieurs magasins et 50 employés. Après avoir succédé à son père à la fin des années 1970, Holger a développé l'entreprise. Il a voulu savoir exactement d'où provenait le grain utilisé pour faire le pain. Il s'est donc tourné vers son ami Hubertus Eichblatt, un agriculteur qui avait créé une coopérative. Il a également collaboré avec Günther Fielmann, le plus grand opticien d'Europe qui avait investi dans la culture de céréales biologiques dans sa propre ferme, Hof Lütjensee. Ensemble, Holger et Günther ont ouvert leur propre usine et commercialisé des produits de boulangerie biologiques — ce qui était nouveau il y a 30 ans. « Holger a toujours été un novateur, dit Hubertus Eichblatt, très avant-gardiste dans ce genre de domaine. »  

Une autre innovation d’Holger a été de faire cuire le pain sur place, dans les boutiques. Auparavant, il l’était à l'usine et les pains étaient acheminés par camion jusqu'aux magasins. L'idée de Knaack était de continuer à faire la pâte dans l'usine, mais ensuite de la congeler en portions qui étaient distribuées aux magasins pour être cuites. Sa devise était « le boulanger frais ». Aujourd'hui, presque toutes les boulangeries en Allemagne font de même.

 

Holger a continué de développer l'entreprise, qui a fini par compter jusqu’à 50 magasins et des centaines d'employés dans l’usine. Il a reçu une offre d'achat d'une entreprise internationale qui investissait dans des boulangeries. C'était une très bonne offre, et il l'a acceptée. A la quarantaine, il s’est lancé dans d'autres activités commerciales, s’est mis à jouer au golf et a été rapidement nommé président de son club. Il a été un membre actif de la Table Ronde, une organisation regroupant des personnes de moins de 40 ans ; à 39 ans, il a rejoint le Rotary dans un club de Mölln, une ville du voisinage.

 

 

Une passion pour la jeunesse

 

La ville médiévale de Ratzeburg, avec sa cathédrale et ses maisons à colombages, est entourée de quatre lacs glaciaires. L'état du Schleswig-Holstein, dans le nord de l'Allemagne, compte de nombreux lacs semblables ; des routes sinuent à travers une campagne verdoyante et vallonnée, le long de fermes et de villages construits dans le style régional caractéristique de l'architecture en brique. Mais les étudiants qui ont séjourné chez Holger et Susanne ont fait l’expérience de quelque chose de bien plus profond qu'une carte postale d’Allemagne.

 

Juraj Dvorák a été l'un des premiers jeunes accueillis par les Knaack, en 1996. À 16 ans, après son retour en Slovaquie, il a envoyé une carte à Holger et Susanne, qui l'ont invité à leur rendre visite à nouveau. Mais le père de Juraj étant décédé, le jeune homme leur a répondu qu'il ne pouvait plus venir. Holger et Susanne, ainsi que la mère de Juraj, ont insisté pour qu’il accepte malgré tout.

 

 « J’ai passé un mois chez eux et ils ont tout fait pour m'aider, se souvient Juraj. Si je n'avais pas rencontré Holger et Susanne, et s'ils ne m'avaient pas guidé dans de nombreux domaines de ma vie, je n'aurais pas réalisé ce que j'ai fait. » Juraj dirige maintenant une société de capital-investissement à Vienne, mais il ne parle pas de réussite matérielle. « Je suis parti de zéro et suis devenu quelqu'un, non pas en termes d'argent, mais au sens où j’ai acquis une personnalité saine. »

 

Les Knaack prennent très au sérieux cette responsabilité attachée au mentorat. « L'objectif principal du Youth Exchange Program est de s’immerger dans une autre culture, d'apprendre tout ce que l’on peut sur cette culture, dit Holger. Ce qui est étonnant dans le Youth Exchange est que les parents envoient leurs enfants dans le monde entier en étant certains que les Rotariens les traiteront comme leurs propres enfants. Aucune autre organisation ne fonctionne ainsi. »

Une phrase que l’on entend souvent chez les Rotaractiens allemands est : se rencontrer à la hauteur des yeux. « Cela signifie que tout le monde est sur un pied d'égalité, explique Susanne. Que l’on soit administrateur ou chauffeur ne fait aucune différence. On discute de quelque chose, et on trouve une solution sans que l'autre personne ait l'impression d'avoir reçu un ordre. »

 

Selon ses amis et sa famille, Holger a un véritable flair pour cela. « S'il ne peut pas faire quelque chose lui-même, il sait très bien déléguer », rit Susanne. « Il sait qui est apte à faire quoi. C'est l’un de ses talents. »

 

L’un des principaux objectifs de son mari, dit Susanne, est de continuer à créer des liens entre le Rotary et le Rotaract. « Ce qu'il veut accomplir l’enthousiasme. » Et lorsqu’il s’enthousiasme pour quelque chose, « il sait aussi transmettre son enthousiasme aux autres », ajoute Sabine, la sœur de Susanne.

 

 

Un enthousiasme contagieux

 

Des amis d’Holger — tous membres, comme lui, du Rotary club Herzogtum Lauenburg -Mölln — s’accordent à dire qu'il possède un génie pour mobiliser des volontaires. M. Ehlers se souvient du temps où il était secrétaire de district, durant l'année où Holger était gouverneur. « Auparavant, dit-il, sous les autres gouverneurs, on disait toujours ‘quelqu'un devrait faire ça’ ou ‘qui va faire ça ?’. Mais Holger était précis : ‘Hubertus, j'ai réfléchi, tu es la personne parfaite. C’est ainsi que je vois les choses. Cela te convient parfaitement, Hubertus, j'aimerais vraiment que tu le fasses. Tu vas le faire, c’est fantastique !’ De cette manière, vous ne pouvez pas dire non. Et vous faites volontiers ce qu’il vous a demandé, car il ne se retire pas ensuite. Il revient un mois plus tard et demande : « Hubertus, tout va bien ? Puis-je t’être utile en quelque chose ?’ »

 

Hubertus Eichblatt s’amuse de ce portrait, mais souligne qu’Holger réussit parce que son enthousiasme est contagieux. Nombre de personnes disent qu'il n'est jamais de mauvaise humeur. La mention des lunettes d’Holger suscite une réaction immédiate de la part du groupe. « Il est le seul à porter des lunettes comme ça, dit Andreas-Peter. Et si elles se cassent, pas de problème : il en a une autre paire ! »

 

La philosophie d’Holger — vous avez beau travailler dur, vous devez également vous amuser — s'applique particulièrement bien au Rotary. « Voyager, parler aux gens est vraiment très amusant pour lui, » explique Susanne, membre fondateur du Rotary e-club Hamburg Connect. « Il prend du bon temps au Rotary — et j’en prends autant que lui. »

 

Holger souhaite que tout le monde apprécie le Rotary — et soit fier d'y appartenir. « Il n’est pas difficile de faire plus : soyez plus impliqué dans votre club, plus intéressé par vos amis, plus engagé dans les actions et les programmes. Demandez-vous : notre club s’implique-t-il dans le service à la jeunesse ? Pouvons-nous trouver de meilleures idées pour lever des fonds ? Le club a également la responsabilité de faire en sorte que les gens se sentent bien, soient fiers et se sentent les bienvenus. Appartenir au Rotary doit être quelque chose de spécial. »

 

A propos de l'année à venir, il fait remarquer qu'un président du Rotary International est invité à de nombreux événements, notamment des conférences de district, et qu’il envoie un représentant dans la plupart des cas. Mais Holger prévoit d'assister — ne serait-ce que virtuellement — à la conférence du district 1940, dont le gouverneur de cette année, Edgar Friedrich, est membre de son club. « Je pense que vous êtes autorisé à faire une exception pour votre propre district, surtout si le gouverneur appartient à votre propre club, dit-il. Quelles que soient les fonctions que vous ayez occupées au Rotary et l’importance que vous aviez, vous êtes, en définitive, toujours membre de votre club et heureux d'être parmi vos amis.  C’est pourquoi nous devons être attentifs à nos clubs, et à nos amis dans ces clubs. Peu importe que vous soyez président du Rotary International. En définitive, il est important d’être entre amis. »

 

 

Holger Knaack en dates

 

1952 : naissance en Allemagne du nord

1975 : diplômé en administration des affaires

1976 : mariage avec Susanne Horst

1992 : devient Rotarien

2006-2007 : gouverneur du district 1940

2013-2015 : administrateur du Rotary International

2020-2021 : président du Rotary International

 

 

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