LA CONVENTION DE TAIPEI DEPUIS CHEZ VOUS

Elle aurait dû se tenir à Taipei et mettre en valeur les caractéristiques du développement du Rotary en Asie. La Covid-19 en a décidé autrement. La Convention 2021 se déroule à partir de studios de l’Illinois, suivant un mode très américain animé par un Rotarien présentateur de télévision. Quelques moments de yoga proposés avant chaque séance plénière, une visite virtuelle de la capitale de Taïwan et l’inauguration d’une statue au cœur de cette ville, en l’honneur du Rotary, rappellent cependant qu’il s’agit de la convention de Taipei. L’essentiel des exposés montre que malgré une crise sanitaire sans précédent, le Rotary continue de fonctionner, d’agir et d’obtenir des résultats significatifs.

Une transmission des fonctions inédite

Holger Knaack est le seul président à n’avoir pu se rendre au cours de son mandat au siège du Rotary International, situé à Evanston près de Chicago. Malgré cette situation unique, il évoque la satisfaction d’avoir pu visiter de nombreux clubs et districts du monde entier. « Dans un environnement virtuel, chaque semaine, j’ai pu me rendre dans une douzaine de Rotary clubs et participer à leurs actions. Cela a été passionnant et enrichissant. J’ai été fier d’être témoin du travail que vous avez accompli en ces temps difficiles ». Avec son successeur Shekhar Mehta, Holger Knaack prête ses traits dans un dessin animé très « bisounours. » Les deux présidents, assis sur une table de jardin, conversent avec Orbie, un nounours avide de connaître ce qu’est le Rotary. Un outil de communication sous forme d’images de synthèse qui dépoussière quelque peu l’idée que peut se faire le grand public du Rotary.

Le nouveau président du Rotary International focalise son année sur la nécessité pour chaque Rotarien d’inviter une personne à rejoindre le Rotary afin de pouvoir changer des vies partout dans le monde. Rendre autonomes des jeunes filles est l’une de ses priorités qu’il souhaite voir partager par les clubs, notamment par des actions internationales. Établir des ponts entre les Rotary clubs de toutes les nations est une preuve de vitalité pour le Rotary.

Les CIP à l’honneur

Les activités de la pré-convention porte beaucoup sur le rôle des Comités inter-pays dans l’action internationale. Une mise en valeur voulue par le président Holger Knaack qui aime à rappeler que le tout premier CIP au monde fut le « petit comité franco-allemand » fondé en 1931. Deux invitées exceptionnelles marquent les travaux consacrés aux CIP : Ouided Bouchamaoui, lauréate du Prix Nobel de la paix en 2015, et Audrey Azoulay, actuelle secrétaire générale de l’Unesco. Ouided Bouchamaoui témoigne de l’importance de l’engagement de la société civile pour la paix ; un sujet qu’elle maîtrise parfaitement eu égard sa contribution à l’instauration d’une démocratie pluraliste en Tunisie dans le sillage de la Révolution de jasmin en 2011. Femme d’affaire influente, Ouided Bouchamaoui s’exprime en français et défend en particulier l’égalité des genres et la participation active des femmes dans la construction de la paix. Audrey Azoulay rappelle que la défense de la culture est un combat pour la paix, valeur partagée avec le Rotary, organisation accréditée du plus haut statut auprès de l’Unesco. Le représentant officiel du Rotary International à l’Unesco, Cyril Noirtin, membre du Rotary club Paris Agora, et actuellement président du conseil exécutif des Comités inter-pays rappelle « les CIP se sont paradoxalement beaucoup développés au cours de la crise sanitaire, particulièrement en Asie et en Amérique ; on en compte aujourd’hui plus de 400 dans le monde qui renforcent les liens entre les clubs et les districts d’au moins deux pays et favorisent des actions internationales efficaces ».

Parmi les projets les plus remarqués des Comités inter-pays figure le Séminaire de la paix positive, organisé par le CIP France-USA à Rennes du 14 au 16 octobre 2021. Il réunira 10 jeunes Américains et 20 jeunes Français qui travailleront ensemble sur des projets pratiques, qui devront tenir compte d’aspects locaux ou nationaux en vue de résoudre des rivalités entre communautés. Le président du CIP France-USA, Jean-Marie Poinsard, souligne que « les objectifs sont d’acquérir des connaissances et des outils concrets pour être à même de gérer les conflits ». À terme, les participants de ce séminaire seront peut-être des acteurs de la paix ; ils auront une connaissance précise du Rotary dans ce domaine qui leur sera précieuse pour leur avenir.

Une nouvelle avancée dans la lutte contre la polio

Le combat pour l’éradication de la polio dans le monde, initié par le Rotary en 1985 dans le cadre du programme PolioPlus, géré par l’OMS avec le soutien de grands partenaires tels que l’Unicef et la fondation Bill &Melinda Gates, a franchi un nouveau cap de premier plan en 2020. L’éradication du poliovirus sauvage en Afrique est en effet certifiée par l’OMS. Au moment de la convention, seuls deux nouveaux cas de poliovirus sauvage ont été signalés en 2021 dans le monde, en Afghanistan et au Pakistan. Le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, salue dans son allocution la détermination du Rotary à maintenir son attention sur la polio : « lorsque la Covid-19 a frappé, vous n’avez pas abandonné votre vision d’un monde sans polio, vous avez même redoublé d’efforts. » Une marche de 5 km est proposée au début de la convention pour recueillir des fonds en faveur de la lutte contre la polio. Chacun, depuis sa localité, effectue ce trajet chronométré dont le vainqueur symbolique réalise un temps de 16 minutes.

ShelterBox, l’intervention humanitaire célébrée 

Partenaire du Rotary International pour le secours de victimes de catastrophes dans le monde, ShelterBox célèbre ses 20 ans d’existence. Les équipes de ShelterBox offre un abri d’urgence et des aides essentielles aux familles sinistrées. Sanj Srikanthan, actuel président exécutif de cette organisation basée en Cornouailles, souligne que « les femmes et les filles sont touchées de manière disproportionnée par les tragédies. À la suite d’une catastrophe naturelle ou d’un conflit, elles connaissent un taux de mortalité plus élevé, une augmentation de la violence, la perte de leurs moyens de subsistance et des difficultés d’accès à l’éducation. » L’un des plus grands théâtres d’opération de cette année rotarienne est l’intervention au Vanuatu (Pacifique Sud) ravagé en partie par le cyclone Harold. Susan possédait une belle maison qui a été détruite ; avec l’aide des matériels envoyés par ShelterBox, Susan commence à la reconstruire, et sa communauté parvient à se rétablir. Elle souligne que « lorsque vous avez un abri, vous pouvez commencer à penser à l’avenir. ShelterBox fournit les outils et la formation essentiels pour reconstruire votre maison et votre vie ».

Une réflexion sur la réalité du monde

Une réflexion originale est présentée par Anna Rosling Rönnlund, vice-présidente de la Fondation Gapminder. Cet organisme suédois à but non lucratif promeut les Objectifs du millénaire pour le développement, édictés par l’ONU. Il donne en particulier un éclairage sur des données statistiques et vise à combattre des idées reçues. Pour étayer ses propos, chaque participant de la convention est invité à répondre à un quizz de 18 questions dont les réponses semblent évidentes. Et pourtant… À la question « Le taux de suicide des jeunes a-t-il augmenté, stagné ou baissé ces 20 dernières années ? », peu savent qu’il a diminué. Autre question : « Le pourcentage des personnes qui vivent dans un pays à faible revenu a-t-il augmenté, stagné ou diminué depuis 10 ans ? » ; ceux qui répondent avec raison que ce pourcentage a diminué sont également minoritaires. Sur les centaines de Rotariens qui participent à ce questionnaire, la note moyenne est de 3,4 sur 18 seulement. Preuve en est que les idées reçues sur la réalité du monde, entretenues par le prisme déformant des médias, persistent. Le plus rude pour les Rotariens qui ont participé à cet exercice est d’apprendre qu’un singe aurait obtenu un meilleur score dans la mesure où le primate choisit systématiquement la solution du milieu (une banane par exemple)…Quel rapport existe-t-il entre cet exercice et le Rotary ? Les décisions prises par des clubs sont parfois altérées par des a priori, que ce soit dans les possibilités de recrutement des membres ou dans le choix des actions. Cette intervention sur les idées préconçues apparaît comme un beau sujet de réflexion pour les clubs.

La Convention mondiale du Rotary est non seulement l’occasion de faire le point de l’année écoulée, mais aussi de réfléchir aux évolutions. Rencontrer des Rotariens de tous les pays, échanger avec eux représentent la saveur d’une convention en présentiel. La tenue obligée d’une convention à travers un écran ne remplace pas la magie d’une rencontre dans une ville du monde aux couleurs du Rotary, à l’ambiance toute particulière du pays d’accueil. Gageons que les Rotariens seront nombreux à se retrouver en juin 2022 à Houston !

TEXTE DE CHRISTOPHE COURJON