Nous n'avons jamais été aussi proche de la fin de la polio

Dr M.Zaffran, directeur à l'OMS

En ce mois de la journée internationale pour l’éradication de la poliomyélite, Michel Zaffran, directeur du programme d’éradication de la Polio à l’OMS, partage, avec les lecteurs de RotaryMag, les enjeux d’un programme qui est loin d’avoir achevé son œuvre et qui appelle encore une large implication. Point d’actualité. Propos recueillis par Régis Allard

Image Nous n'avons jamais été aussi proche de la fin de la polio

 

Le Plan stratégique pour l’éradication de la poliomyélite inclut une phase finale 2013/2018. Où en sommes-nous?

 

Depuis son adoption par la communauté internationale, des progrès considérables ont été réalisés vers un monde sans polio. En 2017, seuls 22 cas de polio ont été rapportés dans le monde et seulement dans les deux pays où la circulation du virus sauvage n’a jamais été interrompue : le Pakistan et l’Afghanistan. Par ailleurs, le Nigeria qui, en 2016, après deux ans sans aucun cas de polio, avait été frappé par une flambée épidémique dans le Nord Est du pays sous le contrôle de Boko Haram, vient à nouveau de passer le cap de 2 ans sans aucun cas causé par le virus sauvage de la polio.  Tous ces résultats ont été possibles grâce à l’engagement de millions de personnes.


Au cours de 5 dernières années, nous avons recruté un nombre croissant de femmes pour effectuer les opérations de vaccination au sein de leur communauté et intensifié les efforts pour renforcer les programmes de vaccination systématique. Nous avons engagé des activités de vaccination d’urgence face à des flambées épidémiques dans des contextes d’urgences humanitaires et des endroits les plus difficiles et les plus dangereux du monde.
Afin de réduire le risque d’épidémies lié au virus dérivé de la souche vaccinale, nous avons coordonné dans plus de 150 pays dans le monde, et sur une période de 2 semaines, le remplacement du vaccin antipoliomyélitique oral trivalent par le vaccin bivalent. Nous avons introduit le vaccin inactivé injectable dans plus de 120 pays.  


En septembre 2015, le type 2 du virus sauvage de la polio a été officiellement déclaré éradiqué et, depuis novembre 2012 ; aucun cas de polio causé par le type 3 du virus sauvage n’a été détecté, malgré une intensification considérable de la surveillance épidémiologique.
Le programme d’éradication lutte donc maintenant uniquement contre le type 1 du virus sauvage qui est le seul des trois types de virus sauvage de la polio à ne pas encore avoir été éradiqué.


Le plan stratégique a posé les bases nécessaires à la pérennisation des acquis  garantissant à jamais un monde sans polio.
Un nouveau plan définira comment  permettre l’éradication du virus dans les zones où il résiste encore à nos assauts.
Après la certification de l’éradication du virus sauvage,  la stratégie “post certification” présentée en Mai 2018 à l ‘Assemblée Mondiale de la Santé définit de manière détaillée les activités et les fonctions indispensables au maintien d’un monde sans polio.  
Le monde compte sur les Rotariens pour poursuivre leur effort jusqu’à la certification.

 

Toutes les formes de polio doivent être éradiquées. Qu’en est-il dans le champ des contaminations et de la problématique particulière des poliovirus en circulation et dérivés d’une souche vaccinale ?

Un virus circulant dérivé de la souche vaccinale est un virus vaccinal atténué qui, après de nombreuses mutations génétiques, est redevenu virulent. Ces virus émergent très rarement et uniquement dans les groupes de population incorrectement vaccinés qui ont une immunité faible  parce que de nombreux enfants n’ont pas été vaccinés.
Nous savons que si la population est bien vaccinée, tous les enfants seront protégés à la fois contre le virus sauvage mais aussi contre d’éventuels virus circulant dérivés de la souche vaccinale. C’est pour cette raison que l’objectif central du programme d’éradication est de vacciner tous les enfants contre la polio, où qu’ils vivent,  même dans les zones les plus éloignées et difficiles d’accès.


Le remplacement mondial du vaccin trivalent par le vaccin bivalent, en 2016, a été une étape importante pour réduire substantiellement les risques associés aux virus circulant dérivés des souches vaccinales. Aujourd’hui nous répondons à plusieurs épidémies et renforçons  l’immunité des populations affectées, pour que chacun des enfants vivants dans ces zones soit protégé. Quand le virus sauvage sera finalement éradiqué,  le monde entier cessera d’utiliser le vaccin oral. Nous utiliserons alors uniquement le vaccin injectable inactivé. Les risques, dans les communautés mal vaccinées, de flambées épidémiques causées par le virus de la souche vaccinale  seront éliminés.


En mai dernier, pour garantir un confinement total des poliovirus et pour réduire le risque d’une réintroduction du virus dans l’environnement après son éradication,  l’Assemblée mondiale de la santé a adopté une résolution.  Les pays membres s’y engagent à réduire au minimum le nombre d’établissements qui conservent et continuent de travailler sur le virus de la polio et à garantir qu’ils ne le fassent qu’en suivant des protocoles assurant un strict confinement du virus.

 

Quelles sont les références à donner aux Rotariens qui, parfois, expriment une certaine lassitude devant cette lutte dont ils disent qu’elle n’en finit pas et qui se demandent s’ils vont en voir le bout ?

Nous sommes sur le point de faire aboutir une des plus extraordinaires entreprises de santé publique dans l’histoire de l’humanité. Grace aux efforts de centaines de milliers de personnes de par le monde, y compris de nombreux rotariens, cette maladie qui, en 1988,  affectait 350 000 enfants chaque année dans 125 pays dans le monde n’a paralysé que 15 enfants cette année, dans des zones géographiques très restreintes et dans seulement deux pays.
Nous n’avons jamais été aussi proches de notre objectif d’éradication totale et définitive de cette terrible maladie.


Il est bien évident pour tous que nous n’en serions jamais à ce stade sans l’engagement du Rotary et des Rotariens. C’est leur détermination qui, dès 1985, a permis d’engager le monde dans cet effort et,  depuis plus de trente ans, c’est leur persistance sans faille qui nous a conduit à quelques pas de la réussite. L’éradication va léguer aux enfants de tous les pays un monde où leur vie et leur bien-être ne seront plus jamais mis  en danger. Aucune famille n’aura jamais plus à supporter le terrible coût émotionnel et économique de cette maladie. Ces derniers pas sont les plus difficiles, mais je sais que nous pouvons les faire.
Par vos efforts, PolioPlus a permis d’éviter seize millions de cas de polio et a sauvé la vie de un million et demi d’enfants. PolioPlus a engagé  plus de 20 millions de volontaires, et l’argent investi dans cette initiative a permis d’économiser plus de 50 milliards de dollars qui auraient du être dépensés au cours des vingt prochaines années pour répondre aux épidémies et traiter les populations affectées.


Nous ne devons pas nous relâcher ni fléchir dans nos efforts et risquer de mettre en danger tout ce que nous avons déjà pu accomplir à ce jour. En tant que Rotarien moi-même, ma détermination reste totale et inébranlable. Je fais appel à tous les rotariens pour qu’ensemble nous continuions et franchissions la ligne d’arrivée.

 

Comment va intervenir, et sous quelles conditions, la certification de l’interruption de la transmission du virus ? La fin de la maladie sera-t-elle déclarée, alors ?

La certification mondiale de l’éradication du virus sauvage de la polio pourra être déclarée trois ans après que le dernier virus ait été détecté dans un contexte de surveillance de très bonne qualité. Nous approchons de cette échéance. La dernière détection d’un virus sauvage sur le continent Africain était le 27 septembre 2016 au Nigeria.
Bien entendu, tout enfant paralysé par quelque type de poliovirus que ce soit, est une réelle tragédie, et c’est pourquoi il faudra également procéder au retrait mondial du vaccin oral et déterminer, à terme, comment valider l’absence totale de virus dérivé de la souche vaccinale.


Un monde sans polio ne signifie toutefois pas que le travail est fini. Les pays devront conserver un  système fonctionnel de surveillance et poursuivre leurs efforts pour renforcer leur programme de vaccination systématique.

 

Nous avons un devoir dans la lutte. Comment valoriser au mieux notre mobilisation ? En d’autres termes, comment agir pour en finir avec la polio ?

En tant que responsable de l’initiative mondiale pour l’éradication de la poliomyélite mais aussi en tant que Rotarien, je demande de ne pas perdre patience, de ne pas baisser les bras. Il faut poursuivre jusqu’à son terme le combat contre le virus.
Tous les Rotariens du monde peuvent être très fiers d’avoir déjà accompli quelque chose d’unique et d’extraordinaire. Ils le seront encore plus quand ils auront effacé, une fois pour toutes, la deuxième maladie de la liste des fléaux qui affectent l’humanité depuis la plus grande antiquité.  Ce que vous avez réalisé  nous a permis d’arriver à l’aube d’un monde sans polio et  bientôt d’écrire une page d’Histoire. Le monde ne peut pas y arriver sans le Rotary et sans les Rotariens.  Continuez à montrer la voie ! Continuez d’être une inspiration !
Les Rotariens constituent une autorité morale incontestable. Nous pouvons nous servir de cette autorité pour que le combat reste une priorité absolue pour les pays et pour que nos gouvernements débloquent les ressources nécessaires pour que chacun des enfants du monde soit protégé par la vaccination.

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