Médecine: quand les anciens patients se muent en nouveaux partenaires
Une nouvelle génération de patients a trouvé sa place dans les services hospitaliers. Sources de connaissances, ils mettent leur expérience à profit pour aider d’autres malades, et accompagnent les professionnels de santé, les chercheurs, les laboratoires. Comment ont-ils transformé l’expérience de la maladie en expertise en soutien du soin ? TEXTE DE LAURE ESPIEU

En 2015, Sabine Dutheil a 48 ans. Elle est orthophoniste, un métier qu’elle adore, vit une existence confortable en famille à Bordeaux, et se retrouve un beau matin avec un diagnostic de cancer du sein qui l’oblige à mettre sa vie entre parenthèses pendant 13 mois. « Entre la fin des chimiothérapies et le début de la radiothérapie, une de mes amies a reçu le même diagnostic », raconte-t-elle. L’amie en question lui demande alors d’être son chaperon sur le chemin qui s’ouvre à elle, et que Sabine a déjà commencé à emprunter en éclaireuse. « Je me rends compte à son contact combien échanger avec une personne qui a le même parcours, qui est dans une égalité de vécu face à l’épreuve, peut aider. Mais je m’aperçois aussi que je ne sais pas bien l’accompagner. » Quelque chose émerge. Dans l’esprit de Sabine, une idée prend forme : et s’il manquait un échelon ? Et si, à côté des médecins et de leur savoir clinique, s’installaient des malades qui relaieraient une expérience liée au vécu de la pathologie.
Héritage des années sida
Depuis dix ans, une université forme ces patients. Elle a été créée par Catherine Tourette-Turgis, qui ouvre la voie en 2009, en décidant d’inclure les premiers
malades dans le diplôme d’éducation thérapeutique qu’elle dirige à l’Université Pierre-et-Marie-Curie (aujourd’hui Sorbonne Université), dont les locaux sont situés sur le site de l’hôpital Pitié-Salpêtrière, à Paris. L’initiative est alors totalement inédite de codiplômer malades et soignants dans une université de médecine. Elle ne prévient personne, lance son projet et suscite quelques hoquets chez les gardiens du temple. Mais l’université des patients est née. « Les malades ont longtemps été disqualifiés socialement. Ici, nous leur proposons de transformer leur expérience d’avoir été ou d’être malade en savoir et en connaissances qui vont servir à d’autres. » Toutes sortes de pathologies, en particulier chroniques, sont accueillies, comme la maladie de Crohn, le diabète, les maladies rénales, les hépatites, la sclérose en plaques, les cancers, etc. Avec l’idée que l’on peut acquérir des compétences dans une situation hostile. Le diplôme apporte une reconnaissance, une légitimité à ce parcours pour intervenir auprès d’une équipe. Trois cursus sont désormais accessibles : un DU (Diplôme universitaire) de formation à l’éducation thérapeutique, un DU de démocratie en santé, et un DU de patient partenaire – celui qu’a rejoint la bordelaise Sabine Dutheil. Chose à peine imaginable à l’origine : beaucoup de candidatures sont appuyées par les équipes médicales elles-mêmes, preuve que les choses ont évolué très vite...
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