Les échanges de jeunes en questions

La tourmente de la pandémie a surpris les 14 000 jeunes qui séjournent cette année à l’étranger dans le cadre du programme d’échange d’un an du Rotary International. Rester sur place ou rentrer d’urgence, tel est le dilemme pour ces jeunes, leurs parents et les responsables rotariens. TEXTE DE CHRISTOPHE COURJON

Image Les échanges de jeunes en questions

 

 

 

Alors que les Rotariens adaptent leur vie professionnelle, familiale et associative aux contraintes du confinement, Sylvain Durand, responsable des échanges de jeunes du Rotary club Roanne, gère dans l’urgence le retour de deux Students dans leur pays. Les frontières commencent à se fermer, les parents des adolescents parrainés par le Rotary club Roanne s’inquiètent pour leurs enfants qui séjournent loin de chez eux : il faut assurer le retour de Fiona au Colorado et le rapatriement d’Hector dans la Loire. Le 3 avril, quatre jours avant la décision du Brésil de fermer ses frontières, le jeune Hector s’envole pour la France, atterrit à Lyon et retrouve les siens après un isolement de 14 jours. Le retour de Fiona est bien plus difficile ; si le rapatriement d’Hector s’est fait sur les recommandations du consulat de France du Brésil, ce sont les parents de Fiona qui décident de la faire rentrer au Colorado. Fiona doit transiter par Dublin, et y passer une nuit. Mais comment trouver un mode d’hébergement en Irlande alors que l’on est mineure ?  Gérard Berthelier, Rotarien de Roanne, se souvient : « L’angoisse commence à monter. Sylvain Durand, qui suit minute par minute le transfert de Fiona, envisage toutes les solutions pour lui assurer une parfaite sécurité?. Devant les portes qui se ferment les unes après les autres, il s’adresse à la police irlandaise, et c’est finalement avec elle que se construit la solution : Fiona passera la nuit dans le commissariat de police a? l’intérieur même de l’aéroport ! ». Fiona rejoint Denver puis retrouve sa famille… contaminée par la Covid-19 ! Elle reste confinée 14 jours dans sa chambre, pour en sortir le 21 avril, le jour de ses 18 ans…

L’exemple vécu à Roanne est assez représentatif, même si beaucoup d’autres cas de figure se constatent dans le monde.

 

 

Des choix et des solutions difficiles

 

« Au 7 mai, 40% des 484 Students français partis cette année se trouvent toujours à l’étranger. Par contre, 55% des 490 Students étrangers en France sont toujours sur le territoire » détaille Philippe Baumon, président du Centre rotarien pour la jeunesse (CRJ). Des retours sont encore prévus dans les prochains jours. Les étrangers restés en France sont surtout des Sud-américains, qui se sentent probablement plus en sécurité chez nous que dans leur pays. Par contre, ce sont les Students français en Amérique du sud qui ont été le plus rapatriés. Beaucoup de jeunes souhaitent terminer leur séjour qui devaient s’achever mi-juin, sachant qu’ils devront de toute façon être confinés, que ce soit en France ou dans leur pays. De l’avis des organisateurs, la déception des jeunes est triple : leur séjour est écourté, ils ne peuvent plus se rendre au lycée et les excursions prévues (bus trip) sont annulées. Des retours précipités entraînent parfois des situations difficiles pour les familles d’accueil car, dans de nombreux cas, leur enfant est revenu à la maison alors que le jeune étranger est toujours là.

 

 

2020-2021, une année sans échanges ?

 

Sur les 18 districts de France, 6 ont décidé en date du 7 mai de poursuivre les échanges d’un an, tout en sachant qu’il est possible que rien ne se fasse en fonction de la situation sanitaire. Les 12 autres districts ont renoncé à envoyer et recevoir des jeunes. Philippe Baumon, précise que « ces décisions ne signifient pas un arrêt des programmes ; le séjour de jeunes pourra être différé dans la mesure où ils obtiendront un visa, un lycée d’accueil et une place d’avion garantie. Le séjour pourra sinon être reporté d’un an suivant les possibilités et les choix des familles et des organisateurs. » Le Rotary n’est jamais à court d’idées et s’est toujours adapté aux situations les plus difficiles.

 

 

Des solutions suggérées par Holger Knaack

 

Le président élu du Rotary International, Holger Knaack, a longtemps été très impliqué dans les échanges de jeunes. Il déclare que pour l’année 2020-2021 « chaque district prendra ses propres décisions dans l'intérêt des jeunes, des familles et des communautés, et aucun district ne doit se sentir obligé de participer au-delà de ses moyens ou de sa volonté. » Holger Knaack recommande aux districts qui envisagent de poursuivre les échanges l'an prochain d'assouplir les programmes. Il propose entre autres de concevoir un programme d'échange à court terme plus tard dans l'année, ce qui faciliterait l’adhésion de nouvelles familles d'accueil qui, autrement, auraient renoncé à un engagement plus long. Le président élu du Rotary International suggère de réduire la durée des échanges d'un an, d’autant plus que des établissements scolaires peuvent admettre des participants pour un semestre, voire un trimestre. « Le Rotary International exige uniquement que les participants à un échange de longue durée soient entièrement scolarisés. Ainsi, si les établissements scolaires autorisent un report ou une réduction de la période d'inscription, les districts peuvent travailler ensemble pour organiser des échanges de longue durée aménagés. » Holger Knaack envisage même de renoncer, exceptionnellement, au principe de réciprocité des échanges : « Certains districts peuvent être mieux placés que d'autres pour accueillir des jeunes, en fonction de l'évolution des conditions locales.  Travaillez avec vos partenaires pour déterminer si l'envoi ou l'accueil d'un jeune peut toujours être une option sûre et viable, même si l'échange ne peut être réciproque. » Rarement un dirigeant du Rotary International a, au pied-levé, autant entrouvert la porte à de telles innovations ! 

L’avenir proche du programme d’échange de jeunes demeure très lié aux facultés d’adaptation de chacun. Ce programme phare du Rotary International, qui favorise l’avenir de nombreux jeunes et la compréhension internationale, devrait reprendre son rythme dès l’été 2021, sur décision de chaque district en fonction de la situation sanitaire.

 

 

Anouk, un retour mouvementé de Colombie

 

Séjournant à Cucuta, près du Vénézuela, Anouk souhaitait finir son séjour, mais l’annonce d’une quarantaine imposée l’a convaincue de repartir chez elle, à Montargis. « On m’a annoncé un vol Bogota-Bruxelles, mais il n’y avait plus de liaisons aériennes internes en Colombie ; j’ai dû prendre un taxi pour rejoindre Bogota, ce qui a représenté 14 heures de route, notamment à travers des montagnes ! » La jeune fille de 17 ans n’était pas rassurée de traverser des régions très pauvres où les agressions sont nombreuses, même si elle reconnait que les Colombiens ont été très gentils avec elle pendant les huit mois passés dans le pays. « Arrivée à l’aéroport, je n’étais pas sûre d’être embarquée, mais comme j’étais mineure isolée, je fus admise en priorité. Mon père est venu me chercher en voiture à Bruxelles, muni d’une dérogation, et nous avons rejoint Montargis. Je suis triste d’avoir dû quitter précipitamment ma famille colombienne, mais je retournerai dans le pays avec plaisir ! »

 

 

Le CRJ apporte son concours

 

Les décisions d’arrêter ou de maintenir les programmes d’échanges de jeunes sont prises par les districts. Les choix de retour anticipé sont aussi faits par les familles, voire les jeunes eux-mêmes. Le Centre Rotarien pour la jeunesse (CRJ) assiste et conseille les intéressés, et dans cette période exceptionnelle de rapatriements, les coordinateurs des districts (YEC) ont été particulièrement actifs et imaginatifs.

 

 

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